
Bonjour Martine, pourriez-vous vous présenter ?
Bonjour, je suis devenue famille d’élevage au CESECAH en 1997. J’avais précédemment été famille d’accueil pour l’ANECAH (ex Handi’chiens) et j’aurais continué mon engagement avec cette association si elle n’avait pas déménagé près de Lyon. Je souhaitais continuer à m’investir dans ce domaine. J’ai donc répondu à l’invitation de M. Bernardin qui recherchait des familles d’élevage, puis j’ai visité ce centre tout nouvellement créé à Lezoux. Je suis ensuite rentrée chez moi avec ma première chienne reproductrice Nebka. Ont suivi sa fille Urfée, et Fidji, fille d’Alvéa et petite fille de Nebka.
Pouvez-vous nous parler des chiens que vous avez élevés ?
Urfée fut réorientée à cause d’une dysplasie du coude et est finalement devenue chien guide d’aveugle. J’ai noué une solide amitié avec Josiane, sa nouvelle maîtresse, qu’elle a guidée pendant quelques années. Nebka et Fidji, quant à elles, ont eu respectivement cinq portées et 34 de leurs chiots sont devenus chien guide (aujourd’hui, le nombre de reproductrices a beaucoup augmenté. Le nombre de portées par chienne est limité à 4). Fidji vivait une paisible retraite lorsqu’à l’âge de 11 ans elle est décédée subitement dans la nuit. Suite à cette mort foudroyante, je n’ai pas souhaité reprendre de chien mais je continue à en garder de façon occasionnelle, en particulier pendant les vacances des familles d’élevage.

Comment s’est manifesté votre engagement pour le CESECAH ?
Petit à petit, j’ai souhaité m’investir davantage au sein de cette association ayant pour mission de faire naître les chiots les plus aptes possible à devenir chien guide d’aveugle. J’ai créé et suis la principale contributrice d’un journal qui s’appelle « Bonne patte, bon œil » et qui est mis en page par Isabelle Herbach, elle-même famille d’élevage. Nous publions des articles de fond instructifs ainsi que des photos et anecdotes que les familles nous envoient. Je m’occupe également du suivi des chiots afin de transmettre aux familles d’élevage les résultats des portées du reproducteur (ou reproductrice) qui leur est confié.
A la demande du CESECAH, je participe également à des manifestations destinées à faire connaître notre activité et j’anime les visites guidées du centre. Quand j’étais encore en activité comme institutrice, j’amenais ma chienne dans ma classe pour partager mon engagement avec mes élèves de CP. C’était aussi l’occasion de travailler sur l’anatomie du chien, la reproduction des mammifères, l’éducation du chien et le comportement à avoir avec cet animal pour éviter les morsures. Parvenue à la retraite, j’ai poursuivi ce travail avec une maîtresse de CP et mon amie Laurence, maîtresse de chien guide, a accepté de venir sensibiliser les enfants au handicap et à l’utilité du chien guide. Les retours des parents ont été très positifs. Ils estiment que cette activité est porteuse de belles valeurs pour leurs enfants.
Quel est le rôle d’une famille d’élevage et quelles sont les différences avec la famille d’accueil ?
Le rôle des familles d’élevage est différent de celui des familles d’accueil. Les premières ont cependant un rôle indispensable dans le REF (réseau des élevages français) dont fait partie le CESECAH. Avant de se voir confier un reproducteur (ou une reproductrice), elles doivent répondre à certains critères : ne pas habiter trop loin de l’élevage, faire en sorte qu’au moins un membre de la famille rentre à la maison pendant la pause méridienne afin que le chien ne soit pas seul toute la journée, avoir du temps à consacrer au chien…
Le chiot est confié à la famille d’élevage lorsqu’il est sevré, soit à l’âge de 8 semaines environ. Les reproductrices reviennent à l’élevage 2 fois par an pendant 3 semaines lorsqu’elles sont en chaleur, puis 1 fois par an en moyenne entre l’âge de 2 et 8 ans. Ces visites durent environ 2 mois et demi pour les mises bas. Le principal rôle de la famille d’élevage est donc de s’occuper de la reproductrice en dehors de ces périodes. Pour les mâles, c’est différent, le reproducteur ne séjourne finalement que rarement au centre. La famille doit néanmoins amener le chien à chaque demande du CESECAH.
La famille d’élevage s’engage à inculquer au chien qui lui est confié une éducation solide pour en faire un chien équilibré, obéissant et bien dans sa tête. Ces qualités sont indispensables pour que les reproductrices s’occupent bien de leurs chiots.
Pour leur part, les familles d’accueil ont également un rôle très important voire essentiel dans la pré-éducation du chiot futur chien guide. Elles sont conseillées par un éducateur qui les aide à lui faire acquérir les bases comportementales propres à son équilibre et à sa socialisation. L’objectif étant d’en faire un bon chien de compagnie qu’on puisse emmener partout où il aura l’occasion d’aller dans sa vie de chien guide : en ville, à la campagne, dans les magasins, dans l’ascenseur, dans les escaliers roulants, chez des amis, dans les transports en commun…
Cette pré-éducation se déroule de l’âge de 2 mois à l’âge de 12 mois. La famille d’accueil se sépare alors de son petit élève qui intègre sa formation avec un éducateur de chien guide au sein de l’école de chiens guide d’aveugle. En revanche, les reproducteurs et les reproductrices du CESECAH finissent leur vie auprès de leur famille d’élevage qui, dans pratiquement tous les cas, les adopte lorsqu’ils sont réorientés ou retraités.

Comment vous impliquez-vous dans CANIDEA ?
Je suis l’évolution de CANIDEA depuis les Canidéennes 2017 auxquelles j’ai été invitée. Je donne régulièrement des nouvelles de l’avancée des travaux de la confédération dans le journal des familles d’élevage du CESECAH « Bonne patte, bon œil ». Cette année, au mois de juin, j’ai eu la chance de participer aux travaux du séminaire prospectif qui ont mené à des pistes de travail pour les Canidéennes 2022 auxquelles j’ai également participé.
De plus, je viens tout juste d’être nommée administratrice de Canidea par le Conseil d’Administration du CESECAH pour le représenter dans cette instance. Je pénètre avec beaucoup d’humilité dans un domaine dans lequel j’ai tout à apprendre mais où j’espère apprendre vite et être à la hauteur de cette nouvelle tâche. Le fait d’être administratrice me permettra de m’impliquer davantage au sein de CANIDEA dans la mesure de mes moyens.
Qu’apporte CANIDEA au CESECAH ?
CANIDEA a d’abord été créé pour permettre la réorientation des chiens nés au CESECAH sortis de programme. En effet, tous n’auront pas les qualités requises pour devenir chien guide d’aveugle. Avant, ils devenaient des chiens de compagnie. Aujourd’hui, grâce à CANIDEA, ils peuvent réussir dans une autre spécialité de chien d’aide à la personne. Ainsi, grâce à la réorientation, tout le travail et l’argent investis dans leur éducation n’est pas perdu mais au contraire valorisé.
Le mot de la fin est pour vous…
Lorsqu’on s’engage comme bénévole au sein d’une association, on pense surtout modestement à donner en fonction de ses possibilités, on pense moins à recevoir. Pourtant, mon bénévolat au CESECAH s’est révélé riche à bien des égards, mais aussi motivant et gratifiant. Au cours de toutes ces années, j’ai rencontré beaucoup de belles personnes, notamment des personnes non voyantes qui m’ont donné des sacrées leçons de vie. Aussi, j’espère continuer à m’investir au CESECAH et à CANIDEA pendant quelques années encore sans perdre de vue l’objectif que nous avons tous : remettre aux bénéficiaires des chiens d’aide à la personne parfaitement éduqués qui rempliront leur mission avec brio.