Chiens visiteurs, chiens de médiation, quelle différence ?

Cet article a fait l'objet d'une publication sur le blog de la médiation animale le 26/03/2020  dans le cadre du partenariat entre Canidea et Resilienfance.

Golden assis dans l'herbe - Crédit : CC0
Golden assis dans l'herbe - Crédit : CC0

En dehors du monde de la médiation par l’animal, peu de personne connaissent les différences entre chien visiteur et chien de médiation. Cette confusion a des conséquences importantes que cet article listera. Pour l’ensemble des acteurs concernés, il est aujourd’hui indispensable de faire le point sur les deux pratiques afin de considérer les bénéfices et les limites de l’une et de l’autre. Loin de s’opposer, les deux pratiques sont complémentaires et ne sauraient se substituer l’une à l’autre.

Le chien visiteur

A partir des années 2000, des bénévoles prennent l’initiative de visiter des établissements accueillant des publics vulnérables ou sensibles. La démarche partait d’une idée simple : apporter du lien social et de la joie par la présence d’un chien de compagnie. Ces bénévoles ont investi les maisons de retraite, les écoles, les hôpitaux, les maisons d'arrêt, les centres de rééducation, ... Certains ont profité de cette mise en contact avec le chien pour faire de la « prévention de morsure » en expliquant, en particulier auprès des jeunes publics, le comportement adapté dans l’interaction avec un chien. En 2007, Joseph Ortega formalise le terme de « Chien Visiteur » en le déposant auprès de l'Institut National de la Propriété Intellectuelle de Toulouse. Il ouvre un centre de formation pour les personnes, bénévoles et professionnels confondus, souhaitant mettre leur chien en contact avec des publics vulnérables. A sa suite, s’ouvrent d’autres centres avec une démarche similaire plus ou moins affiliée à sa méthode. A partir des années 2010, la société centrale canine propose par l’intermédiaire de ses clubs canins des stages « Chiens Visiteurs » qui sont validés par une attestation. Ces stages, ouverts à tous sans considération de projet professionnel, évaluent l’obéissance des chiens et leur résistance face à des attitudes agressives et des bousculades. Aujourd’hui, le terme chien visiteur est utilisé en premier lieu par des bénévoles qui utilisent leur chien de compagnie pour rendre visite à différents publics. Ces bénévoles constituent une communauté grandissante, pleine de bonne volonté et bien souvent en quête d’informations pour mieux rendre service (en témoigne le site https://www.chien-visiteur.fr/index.php). Les professionnels de la médiation par l’animal utilisent plus occasionnellement ce terme, lui préférant chien de médiation ou médiateur ou parfois de zoothérapie. Pour autant, ces derniers connaissent bien le terme de chien visiteur car, d’après l’enquête réalisée par Canidea, 27% des professionnels en activité sont passés par un club canin pour faire évaluer leur chien.

Le chien de Médiation

Même si un article précédent a déjà défini le chien de médiation, il est nécessaire, pour l’intelligibilité du propos, d’en dessiner les grandes lignes. Depuis les années 60, des professionnels du soin font appel à la présence animale comme outil de prise en charge ou d’accompagnement. Assez rapidement, des professionnels du lien social (éducateur spécialisé, …) et de l’enseignement (professeur des écoles, …) se sont appropriés cette démarche et l’ont introduite dans les écoles, les prisons … Quel que soit le contexte et le métier de l’intervenant, les chiens de médiation ont en commun de venir appuyer le professionnel dans son activité : ils facilitent certaines actions à visée thérapeutique, sociale ou éducative. Le projet de médiation s’intègre dans un projet professionnel, et plus encore, dans le projet thérapeutique, éducatif ou social de la personne suivie. De même, dans tous les cas et même si les méthodes sont hétérogènes, le chien est sélectionné par le professionnel pour des qualités spécifiques et éduqué pour qu’il participe à des activités précises à visée thérapeutique, éducative ou sociale. Tout comme son référent qui est salarié de l’établissement, prestataire ou en activité libérale, le chien travaille : cette notion conditionne le reste. La grande majorité des chiens de médiation en activité travaille entre quelques heures tous les deux jours à plusieurs heures par jour. Comme tout chien de travail, il est indispensable de lui prévoir des conditions de travail en correspondance avec ses activités, des plages de repos, une alimentation adaptée, une évaluation régulière de ses aptitudes et d’anticiper sa mise à la retraite. 

 

 

Synthèse des différences

 

Chiens visiteurs

Chiens de médiation

Milieu d’origine

Milieu associatif, notamment le bénévolat

Milieu de l’intervention sanitaire et social

Acteurs

Bénévoles

Différents métiers : infirmiers, éducateurs spécialisés, psychologues, ergothérapeute…

Activités

Visites de personnes résidents de façon pérenne ou temporaire en établissements médico-sociaux

Appui pour l’intervenant dans son activité professionnelle en facilitant certaines actions à visée thérapeutique, sociale ou éducative

Rythme

En fonction des disponibilités des bénévoles

Décidé conjointement entre le service et l’intervenant en fonction du projet

Compétences du référent du chien

Aucune attendue, si ce n’est la maîtrise du comportement de l’animal

Construction d’un projet thérapeutique, éducatif ou social autour de la ou des personnes bénéficiant de la présence animale

Compétences du chien

Être bien éduqué et répondre aux commandes de base

Savoir-être principalement relationnel et quelques savoir-faire en fonction des activités menées par l’intervenant

Origine du chien

Toutes origines dans la mesure où il a le savoir-être relationnel et qu’il a une complicité avec le bénévole

Toutes origines dans la mesure où il a le savoir-être relationnel et qu’il a une complicité avec l’intervenant

Education du chien

A la discrétion du bénévole

Au choix des professionnels qui travailleront avec le chien

 

L'IMPORTANCE DE LA DISTINCTION ENTRE CHIEN VISITEUR ET CHIEN DE Médiation

De nombreux témoignages rapportent les effets bénéfiques de la présence animale, en particulier canine, auprès de publics vulnérables. Les visites accompagnées d’un chien et les séances de médiation par l’animal sont toutes deux sources de ces bénéfices. Au regard du tableau ci-dessus, la différence entre les deux types de chien est subtile. Elle l’est d’autant plus que beaucoup de professionnels de la médiation travaillent avec leur chien de compagnie. Elle est pourtant essentielle pour les bénéficiaires de la médiation animale. En effet, un bénévole agit en fonction de ses disponibilités et interagit de façon informelle avec des personnes qui décident d’aller vers lui ou elle et son chien. Un intervenant construit un projet professionnel, mobilise des compétences et des ressources institutionnelles dans la perspective d’une évolution de la condition des personnes accompagnées. De cette subtilité découle de nombreuses conséquences :

  • Les comportements des chiens visiteurs et des chiens de médiation ne sont pas identiques : les chiens visiteurs sont des chiens bien éduqués mais ils n’ont pas la même aptitude à faire face à des comportements inattendus ou des sollicitations inadaptées ; les chiens de médiation savent réagir, notamment en signalant leur malaise à leur référent ;

 

  • Les activités dans le cadre d’une visite accompagnée et d’une séance de médiation ne sont pas du même ordre : la séance de médiation a des objectifs précis qui peuvent être évalués sur le moyen/long terme ;

 

  •  La personne accompagnant le chien visiteur et l’intervenant en médiation animale n’ont absolument pas les mêmes compétences : l’intervenant évalue en permanence les réactions des bénéficiaires et sait réagir à certains signes, chose que ne saurait faire un bénévole dont ce n’est tout simplement pas le métier.

 

Les chiens visiteurs restent une excellente activité pour créer du lien social, ceci d’autant plus que certains établissements médico-sociaux coupent, malgré eux, les résidents du reste de la société. Pour autant, il est indispensable, notamment pour en préserver le caractère bénévole, que ce type d’activités soit circonscrit à une temporalité limitée et dans un environnement qui permette qu’un professionnel du soin ou du lien social puisse veiller aux réactions des bénéficiaires : cela protège à la fois les bénéficiaires et le bénévole qui pourrait être mis en cause en cas d’accident. Le contraste avec la médiation par l’animal permet de souligner la dimension professionnelle celle-ci, trop souvent dénigrée. En effet, un intervenant en médiation par l’animal pose auprès des bénéficiaires un cadre qui les sécurise autant qu’il sécurise l’animal : en étant garant de cela et en proposant un projet d’accompagnement, il fait émerger des réponses ou des solutions qui permettent une évolution de la condition des bénéficiaires. 

Labrador couché - Crédit : CC0
Labrador couché - Crédit : CC0

CHIEN VISITEUR ET CHIEN DE Médiation : loin de se confondre, une complémentarité À reconnaître

 Aujourd’hui, en dehors de quelques principes de bases (chiens catégorisés, nécessité de contrôler son animal…), il n’existe pas de textes encadrant la présence d’un chien auprès d’un public fragile. Cette absence d’encadrement contribue largement à la confusion des termes mais aussi à la confusion des pratiques. Certains établissements sollicitent des associations de chiens visiteurs en pensant intégrer un projet de médiation tandis que d’autres ne comprennent pas pourquoi la prestation de médiation par l’animal exige une rémunération. Un cadre légal permettrait de poser des définitions mais aussi et surtout des conditions de pratiques. Les visites accompagnées par le chien sont l’occasion d’un échange avec le monde extérieur alors que la médiation par le chien est outil thérapeutique, social ou éducatif au service d’un projet construit pour la personne. Elles se complètent mais ne substituent pas l’une à l’autre.